Hermès dépasse LVMH : dans le luxe, le savoir-faire prime sur la taille
Une scène symbolique s'est déroulée à la Bourse de Paris : le 15 avril, la valeur boursière de la marque familiale Hermès a brièvement dépassé celle du géant LVMH. Le bras de fer n'a duré que quelques heures, mais l'image d'un petit sellier rattrapant l'empire de Bernard Arnault s'est répandue dans le monde financier, suggérant que le luxe peut se développer même sans expansion sans fin.
Les résultats du premier trimestre de LVMH ont tempéré les attentes du marché. L'affaiblissement de la demande en Chine et aux États-Unis et la guerre tarifaire entre Washington et Pékin ont entraîné une chute de 8,4 % du cours de l'action. Lorsque le cours de l'action du géant a chuté, sa capitalisation boursière est passée sous la barre des 243,5 milliards d'euros. Hermès a comblé le vide avec un chiffre d'affaires nettement inférieur, mais un appétit stable des investisseurs pour les valeurs « sûres » du luxe. Sa valeur a grimpé à 243,65 milliards d'euros, ce qui en a fait la société la plus valorisée de l'indice CAC 40 en une seule journée de bourse. Bien que les courbes se soient à nouveau croisées le lendemain matin en faveur de LVMH, le message est resté. Personne n'est trop grand pour être dépassé par le savoir-faire, le perfectionnisme et une croissance disciplinée.
Une tension latente existe entre les deux maisons depuis 2010, lorsque Bernard Arnault a secrètement racheté des actions Hermès et tenté de prendre le contrôle de l'entreprise familiale. La famille Dumas a rapidement verrouillé une participation majoritaire et contraint LVMH à vendre devant les tribunaux. Depuis lors, Hermès a soigneusement préservé son indépendance et considère toute comparaison avec le groupe comme une victoire morale de son modèle de boutique sur l'approche conglomérat.
L'art de gagner plus avec moins de chiffre d'affaires
En 2024, Hermès a réalisé un chiffre d'affaires de 15,2 milliards d'euros et un bénéfice de 6,2 milliards d'euros ; LVMH a réalisé un chiffre d'affaires de 84,7 milliards d'euros et un bénéfice d'exploitation de 19,6 milliards d'euros.
En termes absolus, les différences sont énormes, mais en termes de marges, Hermès est largement en tête. Une discipline tarifaire stricte, une production limitée et une fidélité à l'artisanat créent une demande excédentaire : les sacs Birkin et Kelly, emblématiques de la marque, sont en pénurie même lorsque le marché se refroidit. LVMH, en revanche, est confronté à ce que l'on appelle le « discount conglomérat ». Louis Vuitton génère des bénéfices astronomiques, mais la rentabilité de chaînes telles que Sephora et des activités hôtelières dilue l'avance qui en résulte. Les investisseurs se demandent donc de plus en plus si la scission de l'empire en divisions plus petites permettrait d'obtenir une valorisation plus élevée.
La résilience dans la tempête : Hermès, un refuge sûr pour le luxe
Les analystes attribuent la relative invincibilité d'Hermès à plusieurs facteurs. Premièrement, la marque n'a jamais eu recours à une pénurie artificielle : ses produits sont tout simplement difficiles à fabriquer, un seul artisan pouvant passer jusqu'à 15 heures sur un seul sac à main. Deuxièmement, le portefeuille s'étend des twillys en soie coûtant quelques milliers de dollars aux joyaux d'ameublement valant des millions, ce qui permet à la marque de servir différents segments de clientèle sans compromettre l'exclusivité de son offre principale. Le troisième pilier est la valeur émotionnelle : posséder un produit Hermès, c'est rejoindre un club dont la carte de membre ne s'achète pas à la dernière minute. C'est cette combinaison de capacité limitée, de haute qualité et de narration autour du savoir-faire artisanal qui maintient le cours des actions à un niveau élevé, même lorsque les indices boursiers fluctuent sous l'effet de l'incertitude macroéconomique.
Prochaines étapes : leçons pour l'empire d'Arnault
La mini-victoire d'Hermès ne signifie pas que LVMH perd sa position dominante, et son portefeuille reste le plus grand cocktail de luxe au monde.
Néanmoins, cet épisode montre que la croissance basée sur l'ajout de nouvelles marques atteint ses limites physiques et financières. Le groupe d'Arnault doit désormais faire face à la pression de la diversification : maintenir le rythme de l'innovation dans la maroquinerie sans affaiblir les marges dans les secteurs de la beauté et du vin, tout en restant compréhensible pour les investisseurs. Hermès, quant à lui, peut continuer à écrire une chronique discrète de la leçon illustrative selon laquelle, dans le luxe, la force ne réside pas dans le nombre de boutiques, mais dans l'intégrité de la couture qui les relie.

December 04, 2025